A1) UN NOUVEAU DEFI…

...VERS UNE NOUVELLE ÉTHIQUE DE L'ENTREPRISE

a) Financiarisation croissante de l’économie, une pente dangereuse dénoncée dès les années 90.

Bien que créé au service du développement de l’économie, le “système financier” s’est de plus en plus considéré, au cours des dernières décades, comme une fin en soi. En témoigne ces miroirs aux alouettes des offres de placements aux rendements excessifs, l’ésotérisme de produits « boursiers » sans réels fondements économiques, les risques inconsidérés des "sub-primes" dispersés en cachette dans la sphère financière, enfin le goût excessif des banques pour les risques spéculatifs des « hedge fonds » pris par leurs traders, plutôt que pour ceux, raisonnables au sens strict du terme, des fonds d’investissement, etc

Mais surtout, au sein même du système économique, la financiarisation excessive des raisonnements micro et macro-économiques - dénoncés par nombre d’entre nous depuis longtemps -, avec recherche d’un pay-back rapide, ont conféré peu à peu une primauté insidieuse au « court terme », ébranlant ainsi les mécanismes fondamentaux du rythme de développement économique et social dont les repères deviennent de moins en moins visibles et compréhensibles.

  ... autant de dérives dont les méfaits sont :

  • ... accrus par l’extrême mobilité d’une masse énorme de capitaux rassemblée en un faible nombre de mains, qui, sans réelle vocation à créer des richesses collectives, fausse les grands équilibres monétaires et financiers... ;
  • ... amplifiés par le jeu des comportements humains qui, via les réseaux informatisés, peuvent, inconsidérément, enclencher des spirales dangereuses;
  • ... néfastes au fonctionnement et à la régulation du système (au sens « systémique »du terme) - et souvent incontrôlables en l’état actuel (2010)...

...autant de périls annoncés...

 

b) Logique financière et addiction au risque

… Oui, des périls annoncés depuis de nombreuses années qui devaient, sous une forme ou une autre, nous conduire, un jour, dans un mur. La crise de 2008/2009 n’est , d’ailleurs, probablement pas due à ces seuls types de dérive. Est aussi en cause l’organisation et le fonctionnement du système financier lui-même, dont, par exemple, la régulation, plus ou moins bien appropriée, méconnaît trop la complexité et l’intériorité des hommes qui en sont l‘alpha et l’oméga : attirance ludique , souvent addictionnelle, des uns pour la prise de risque, appétit de consommation insatiable de beaucoup d’autres, souvent manifestation d’un besoin mal satisfait de « bonheur » imprécis, de surcroît difficile à financer, etc….

Ainsi, pour Luc Ferry, philosophe, si le symptôme visible de la crise, et son déclencheur, ont été de nature financière, sa cause première pourrait n’avoir pas tant été le développement d'une économie « casino » - dont la finalité est faire de l’argent avec de l’argent sans création de véritable valeur, avec prises de risques excessifs, dissimulés et disséminés par titrisation pour être supportés par d’autres qui les ignorent, au détriment d’une économie « normale », créatrice de richesses par l’investissement, l’innovation et le travail, dont les financiers partagent des risques mesurés avec les entrepreneurs dont ils financent le développement- , que le tassement du volume de ressources des classes moyennes dont la consommation raisonnable avait, jusqu’à ce jour, tiré la croissance. ... dont le contenu est aujourd'hui remis en cause par certains...

Toujours-est-il qu'à défaut de pouvoir financer celle-ci- quelqu'elle soit- par les dites ressources, c’est-à-dire créer des richesses ou valeurs nouvelles avec les richesses déjà créées, le développement, individuel aussi bien que collectif, est de plus en plus financé par la dette, c’est-à-dire par les richesses qui seront, créées, peut-être, demain, …. et en partie par d’autres que les emprunteurs et les décideurs eux-mêmes .

Pari sur l’avenir oui ; pourquoi pas ?…. Mais peu à peu aussi, avec un goût croissant, dangereux, pour des risques dont on n’a pas, en général, à subir soi-même les effets en retour, comme l’illustre bien la stratégie financière - de laquelle relèvent ces sub-primes américains-, qui a financé massivement l’habitat américain par des dettes excessives dont les risques, transférés en cachette à de multiples autres, sont devenus systémiques.

Dans le cas présent, c’est cette stratégie financière d’adaptation à l’insuffisance des ressources des investisseurs individuels face à un besoin fondamental, le logement, qui a été le détonateur d’une crise généralisée. En tout état de cause, elle devait tôt ou tard éclater tant sont inadaptés les modes de contrôle des agissements purement financiers.

c) Stratégie raisonnée et croyance irrationnelle

Au fait, de quelle croissance parle-t-on, avons-nous laissé entendre ? De celle tirée par l’appétit, pour les innovations techniques, de consommateurs déjà bien dotés? De celle nécessaire à la survie, ou, pour les plus chanceux, au rattrapage économique, au moins partiel, des populations les plus démunies ? De celle indispensable aux entreprises pour remplacer leurs « vaches à lait » génératrices de cash-flow mais destinées à mourir ? Autant de thèmes de réflexion qui dépassent nos propos.

Amusons-nous à souligner qu’à une époque dominée par le rationalisme, on constate, avec Mgr. Hyppolite Simon, que les comportements restent, peu ou prou, fondés sur une croyance, peu rationnelle, en une croissance générale indéfinie dans un monde matériel aux ressources finies; croyance combinée à un excès de confiance, souvent dénoncé, dans les vertus « autorégulatrices » du marché ….

La non-croissance que certains « écologistes » appellent de leurs vœux, relève d’ailleurs du même phénomène. Comme quoi, la « croyance » n’est pas l’apanage de la sphère religieuse au sens où on l’entend de façon commune….

d) Quoiqu’il en soit

Après les décades écoulées depuis les 30 glorieuses, au cours desquelles l’innovation, créatrice de richesses, a été le moteur « humain », - souvent mal géré -, du développement économique des pays développés, mais quasiment d’eux seuls, la mondialisation des échanges, le déséquilibre démographique et économique croissant entre les quelques riches occidentaux et la multitude de Chinois, Indiens, Africains,…. , la prise de conscience de la finitude de nombreuses ressources (terres cultivables, ressources minières), et de la fragilité « écologique » de l’environnement, sont , désormais, les déterminants d’une macroéconomie qui , mieux maîtrisée pour ne laisser personne au bord des chemins de la survie, implique tous les acteurs, notamment ceux de la micro-économie.

En particulier, l’innovation technologique, économique ou sociale, sa qualité intrinsèque et l’intensité qu’elle accordera au facteur humain, seront, plus que jamais, au coeur du système… Mais, espérons-le, dans une forme de croissance mieux éclairée, - et non, comme le prône certains, dans une décroissance destructrice d’emplois - ou même cette non-croissance utopique qui se voudrait l’unique voie pour économiser les richesses naturelles - comme si on pouvait brider par décret, et à tout jamais , les pulsions créatrices de l'imagination humaine.!

Car, malgré la crise (dure mais passagère..), les « ressources rares » du développement sont, moins les ressources financières que les compétences et facultés individuelles organisées en intelligence collective indispensables au processus d’innovation, vecteur stratégique décisif tant pour le système économique que pour la protection de notre environnement.

Les gaspillages humains que génère la primauté excessive trop longtemps accordée aux critères de “bonne” gestion financière, n’est donc plus acceptable.

 La gestion des intelligences revendique désormais une place éminente dans les processus de décisions stratégiques. Un nouveau défi managérial: le bon équilibre entre impératifs de bonne gestion, à court terme, des ressources matérielles (temps de travail, matières premières, cash, …) et, à plus long terme, des ressources immatérielles (savoirs et compétences...).

 Un long chemin encore à parcourir pour mettre la logique financière au service de stratégies de valorisation innovatrice des compétences et intelligences, collectives et individuelles, et non de transferts financiers spéculatifs et stériles.

Nos propos à ce sujet - (voir Développements ci-après) - bien que présentées depuis plus de deux décades, sont plus que jamais d’actualité; simplement, leur mise en œuvre se fera sous un éclairage nouveau, celui de la crise financière 2008/2009 ….

SUITE : A2) des éléments de réponse...